Yamantaka // Sonic Titan

Yamantaka // Sonic Titan renferme tout un univers. C'est un collectif de prog Noh-Wave, une compagnie de théâtre noir et blanc (et parfois rouge), une secte psychédélique lyrique et les prophètes spéculatifs de la fin imminente de l'humanité. Mais par-dessus tout, c'est un groupe de rock tonitruant, et sur leur troisième album, DIRT, ils sont plus heavy que jamais.

Bien qu'ils soient restés un groupe amorphe depuis leur formation en 2010, DIRT suit l'évolution la plus significative du groupe depuis des années. Désormais entièrement basé à Toronto, le groupe s'est enrichi de la chanteuse Joanna Delos Reyes, du guitariste Hiroki Tanaka et du bassiste Brandon Lim, qui, avec la batterie imposante du leader et artiste Alaska B, du chanteur et artiste de théâtre Ange Loft et du claviériste Brendan Swanson, font du groupe une véritable locomotive sonore. En concert, le groupe peut être tentaculaire et théâtral ou concis et viscéral, emplissant la scène de bruits, de mélodies et de cacophonie.

DIRT est le premier album du groupe depuis UZU (2013), leur deuxième album consécutif à être nominé pour le prix Polaris des meilleurs albums canadiens de l'année. Mais l'intervalle entre les albums n'a pas été une pause. Au contraire, le groupe s'est concentré en studio pour composer la bande originale principalement instrumentale du jeu vidéo Severed de DrinkBox Studios, en collaboration avec des membres du groupe de gong canado-philippin Pantayo. Ils en sont ressortis avec de nouveaux éléments pour amplifier et déformer leur son déjà riche, qui combine et bouleverse les influences et perspectives des diasporas asiatiques et autochtones.

L'album a été conçu comme la bande originale d'un anime inédit sur les thèmes haudenosaunee et bouddhiste, produit en 1987. Comme UZU, l'action se déroule sur la planète Terre Pure, 10 000 ans après son inondation. Les survivants vivent dans des dômes de bulles flottant en orbite. Une équipe de mercenaires descend dans les décombres de la planète pour recueillir le dernier échantillon de terre intacte.

Sans jamais abandonner leur côté irrévérencieux, le groupe s'enfonce toujours plus dans la folie et y trouve la clarté, mêlant mythe de la création iroquois et principes bouddhistes à des thèmes classiques de la science-fiction pour montrer comment l'humanité continue de succomber à ses pires pulsions : la folie, l'orgueil et la cupidité. Avec un sarcasme qui transcende les courants politiques, DIRT confronte les mensonges que nous nous racontons et que nous nous racontons les uns aux autres, et s'interroge sur ce que signifie défendre un idéal pour mourir malgré tout.

D'un point de vue narratif, c'est leur projet le plus ambitieux. Musicalement, ils ont épuré leur son, puisant dans des influences heavy et pop comme Judas Priest, Killing Joke et Jordan Knight, et les ont transposées dans une esthétique unique. Le concert reste une explosion sensorielle de maquillages et de costumes, à mi-chemin entre Boredoms et Kiss, mais l'accent est désormais mis sur leur son – la version la plus aboutie et la plus percutante qu'ils aient jamais enregistrée. Ils voient grand, mais ce n'est pas une expérience de pensée. Ils sont une force.

À l'instar de Sun Ra et de son approche afrofuturiste, le groupe refuse de se laisser enfermer dans une idée, un son ou une perspective culturelle particulière. Au contraire, il explose ses références pour créer quelque chose d'entièrement nouveau. Quelle que soit la direction qu'ils prennent, elle ne peut venir que de Yamantaka // Sonic Titan.